Magazine – Interview Renault : La data, au cœur de la performance et d’une expérience augmentée

author

Geoffrey Vion

3 décembre 2020 | 5 minutes - Temps de lecture

Last Updated: Fév 3, 2023

La data est sur toutes les lèvres. Collecte, usage et bien sûr privacy... Elle reste pourtant encore un enjeu de taille pour beaucoup d’entreprise. Aujourd’hui, au-delà de la connaissance client, la data permet de performer et de proposer une expérience client augmentée. Mais comment la faire parler ? Décryptage avec Renaud Pérard, Directeur eCommerce international du Groupe Renault. Avant de rejoindre le Groupe Renault en début d’année 2019 pour s’occuper de la Direction eCommerce International, Renaud Pérard a travaillé sur des fonctions Marketing et eCommerce dans différents secteurs (telecom, travel, automobile). Enthousiaste et passionné par nature, Renaud a rejoint le Groupe Renault pour construire la nouvelle expérience client de l’achat automobile. Geoffrey Vion : Bonjour Renaud, commençons par ma question préférée : pour toi, qu’est-ce qu’une expérience digitale réussie dans l’automobile ?  Renaud Pérard : Tout simplement une expérience sans couture pour le client, peu importe la multitude d’acteurs impliqués - concessionnaire, constructeur, financement..., il ne doit y avoir ni rupture, ni répétition. En un mot : l’expérience la plus fluide possible. Où en est-on de la vente en ligne dans l’automobile ? L’eCommerce, ce n’est clairement pas encore une réalité. Chez Renault, plusieurs initiatives ont été lancées en Russie, au Brésil ou en Roumanie, entre autres, mais cela reste encore embryonnaire et local. C’est tout à fait normal compte tenu de notre business model plutôt fondé sur la lead generation et des enjeux complexes du secteur automobile.  Pour le moment, nos sites ont une vocation de découverte, d’engagement du client afin qu’il vienne dans nos concessions (drive-to-store).  L’eCommerce est donc notre prochain vrai challenge ! Avec un premier objectif : réussir à engager nos clients sur le paiement en ligne. Aujourd’hui, cela se limite à une réservation en ligne avec au mieux le versement d’un acompte. Le but est que nos clients puissent effectuer tout le processus d’achat en ligne y compris les étapes les plus complexes comme un crédit.  Comment effectuer cette transformation digitale ? Pour réussir à convertir le client en ligne, et donc le faire payer, il faut revoir l’expérience online. Pour résumer : elle doit se rapprocher des standards des sites eCommerce que les clients connaissent. À moyen terme, selon moi, les marques automobiles devront travailler la problématique du prix affiché sur internet. En effet, les acheteurs d’automobiles négocient généralement le prix en concession. Il faut proposer les offres les plus claires possible afin que le client puisse s’engager directement en ligne.  Les clients sont-ils vraiment prêts à acheter une voiture en ligne ? Oui, sans aucun doute ! Aujourd’hui, plus de la moitié des personnes qui font un essai, achètent la voiture, car ils ont préparé leurs recherches en amont et en ligne. Il y a 10 ans, il fallait compter 5 à 6 visites en concession avant achat, maintenant, on se trouve autour d’une 1,4 visite. Le client va sur le web pour consulter les modèles et les comparer. Ensuite il décide, demande une offre puis se rend en concession. Il a clairement choisi sa voiture en ligne et avec l’aide de son entourage. Lorsqu’il arrive en concession, il est prêt à acheter. Il négocie et signe.
Une partie non négligeable des clients n’attendent que ça de pouvoir acheter une voiture en ligne, réserver un essai ce n’est plus suffisant.
Et cela va continuer d’évoluer dans le bon sens !  Le digital concerne tout le monde maintenant, toutes les tranches d’âge. L’enjeu est donc du côté des constructeurs ? Exactement, c’est à nous via nos business models de s’adapter. À mon sens, l’erreur serait de prendre le processus actuel et de le digitaliser. On ne doit pas copier-coller l’existant mais intégrer le digital dès le départ. Il faut repenser totalement le parcours client, en repartant d’une feuille blanche.  Comment faites-vous parler la Data ? Nous avons construit une nouvelle architecture avec une base centrale, qui récupère la data via tous nos touchpoints : site web, application… L’idée est d’unifier et de centraliser la data.
L’obstacle principal pour l’automobile est de connecter les sources de data des différents acteurs entre elles : les constructeurs, les concessionnaires, le financement, tout en se conformant aux directives RGPD évidemment.
La question du transfert de l’information client est clé. Notre objectif est vraiment l’unification de la data, de partager cette data afin d’enrichir l’expérience client et de s’assurer que tous les partis impliqués y gagnent quelque chose. Tout en s’assurant que cela reste transparent et simple pour le client bien sûr ! Quelles exploitations de la data faites-vous ?  La data contribue principalement à améliorer la navigation de nos sites. Le but est de fluidifier le parcours en ligne en le personnalisant sur la base des comportements de nos utilisateurs. Ainsi ces derniers construisent un projet automobile qui leur est propre. Plus le client s’engage sur le site, plus nous devons l’accompagner avec un contenu adapté à son profil. Pour cela les équipes s’appuient sur un scoring identifiant les priorités selon les segments. Exploiter correctement la data permet de mettre en place des personnalisations fortes. Constatez-vous des problématiques particulières ? La data est donc la promesse d’un monde merveilleux ? Pas tout à fait encore. Il y a encore de vraies ruptures pour le client en ce qui concerne l’omnicanalité. Le client doit être davantage mis au centre, les parcours ne sont pas assez fluides : il doit répéter son dossier, parfois reprendre à zéro. S’ajoute à cela, une grande hétérogénéité des acteurs impliqués dans le parcours client : constructeur, concessionnaire, site, call center, financement... Comment justement réconcilier les parcours offline et online ? C’est le nerf de la guerre ! Nous travaillons actuellement sur la possibilité pour un prospect de commencer son projet auto en ligne (configuration, estimation de reprise de sa voiture…), de le sauvegarder et de le rendre ensuite accessible au vendeur en concession afin que celui-ci puisse préparer son rendez-vous et être plus efficace. 
Si on veut que ce soit simple pour le client, il faut être organisé de manière simple : des objectifs communs à tous les services, éviter les silos et que chacun y voit un intérêt. Le tout, bien coordonné.
Au final, les constructeurs doivent se poser deux questions. Celle du client : que veut-il ? Et celle de la data et de la performance, l’objectif final reste de faire du chiffre. Pour atteindre cet équilibre, les marques peuvent s’aider d’outils sur la personnalisation, le VoC (Voice of Customer), d’analyses… Quelles solutions utilisez-vous ? Sur la partie web, nous utilisons principalement les outils Google. Idem pour la partie data (Google Optimize), l’A/B testing et la partie média. Évidemment, nous travaillons avec Contentsquare pour l’analyse détaillée des parcours.  Nous étudions un certain nombre de solutions pour industrialiser la personnalisation. Et pour tout ce qui est Voice of Customer ? L’utilisation des feedbacks utilisateurs sur l’expérience client est clairement un sujet à accélérer. Les retours clients sont clés pour améliorer les parcours clients. Par exemple, les feedbacks utilisateurs sur la partie online alimentent quasiment en temps réel les équipes PO, UX, UI afin d’améliorer nos produits web.  Quels sont les impacts de la data dans l’organisation et la prise de décision ? La culture de la performance est un point fondamental et la data nous aide clairement à aller dans ce sens. Chaque release, chaque demande d’évolution doit être justifiée par de la data et avoir un impact sur la conversion ou la satisfaction client. Au sein de mon équipe, nous fonctionnons autour de KPI clés et simples pour que toutes les équipes poussent dans le même sens. L’objectif est de pouvoir tester le plus rapidement possible afin de ne garder que les meilleurs tests puis les industrialiser. Notre prise de décision est clairement data-driven et les déploiements en dépendent. La data permet de sortir de la culture de l’intuition. 

Découvrez le Hors-Série du Magazine de l’Expérience Digitale

> Comprendre les nouvelles attentes des consommateurs
> Pérenniser ces évolutions

Télécharger