15 % de la population mondiale serait concernée par une forme de handicap dont 2 à 4 % avec des difficultés de fonctionnement majeures d’après l’OMS.

En France, cela représente pas moins de 6 millions de personnes. Dire que l’accessibilité numérique est un sujet de société n’est donc pas un euphémisme.

Pourtant, une étude révélait en 2016 que la majorité des sites web des entreprises françaises tenaient peu ou pas compte des réalités des internautes en situation de handicap.

Mais ignorer les difficultés d’accessibilité de ces personnes, c’est aussi balayer du revers de la main tous les contextes de vie dans lesquels les capacités des valides sont mises à l’épreuve : répondre à un appel avec un enfant dans les bras, utiliser des services nécessitant la reconnaissance vocale avec une extinction de voix, lire un message en plein soleil…

C’est précisément ici qu’intervient l’inclusive design. 

Son objectif : tenir compte de la pluralité des profils et contextes d’usage pour mettre la technologie au service de tous.

Qu’est-ce que l’inclusive design ?

L’inclusive design (ou design inclusif ou encore conception universelle) est une méthodologie de création reposant sur la prise en compte de la diversité humaine

Elle permet le développement de produits et services numériques ouverts à tous et qui ne nécessitent pas d’adaptation de la part des utilisateurs.

Être inclusif dans sa conception signifie comprendre comment et pourquoi différentes catégories de populations sont exclues de certaines activités élémentaires de la société.

Quelle est la différence entre l’inclusive design et l’accessibilité ?

L’accessibilité décrit les partis pris permettant à un site, une application ou toute expérience d’être accessible au plus grand nombre.

Elle se réfère également à l’activité professionnelle qui en découle.

La principale différence réside dans le fait que l’accessibilité est un attribut, une qualité, tandis que l’inclusive design est une méthode, une manière de procéder.

Idéalement, design inclusif et accessibilité devraient marcher main dans la main pour proposer des expériences qui, non seulement répondent aux standards existants, mais surtout soient utilisables par toutes et tous, quel que soit le genre, l’âge, l’origine, le niveau d’éducation…

Le spectre des utilisateurs : L’handicap – de quoi parle-t-on exactement ? 

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances propose une définition précise du handicap comme une « limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

Si cette définition constitue une base intéressante, il convient de revenir plus précisément sur les différentes formes que peut prendre le handicap tant le périmètre est large.

En effet, il n’y a pas un handicap mais des handicaps. Le Comité national Coordination Action Handicap (CCAH) énumère ainsi les différents types de handicaps reconnus à ce jour.

Les connaître est absolument essentiel pour bien envisager l’accessibilité et l’inclusivité d’une expérience.

Le handicap mental

L’OMS qualifie le handicap mental comme « un arrêt du développement mental ou un développement mental incomplet, caractérisé par une insuffisance des facultés et du niveau global d’intelligence, notamment au niveau des fonctions cognitives, du langage, de la motricité et des performances sociales ».

Il concerne 1 à 3 % de la population mondiale. La trisomie 21 en est la forme la plus connue.

Le handicap mental doit être distingué du handicap psychique qui survient le plus fréquemment à l’âge adulte. C’est le cas de la bipolarité, de la schizophrénie ou encore des TOC.

Le handicap moteur

Il désigne les troubles qui atteignent tout ou partie de la motricité et concerne environ 850 000 Français.

On estime qu’une personne sur deux souffrant d’un handicap moteur requiert une aide extérieure pour les actes essentiels du quotidien.

Le handicap auditif

Le handicap auditif s’entend comme une perte partielle ou totale de l’audition et concerne pas moins de 4 millions de personnes en France.

Le handicap visuel

Le handicap visuel correspond à une perte partielle ou totale de la vue. Environ 1,7 million de personnes sont malvoyantes dans l’Hexagone.

L’Autisme et les Troubles Envahissants du Développement (TED)

On estime aujourd’hui que 60 000 à 120 000 Français sont concernés par des troubles du spectre autistique.

Ces troubles sont très larges et le diagnostic parfois très complexe, ce qui explique le manque de précision dans les estimations.

Mais le handicap englobe également les traumatismes crâniens, les maladies dégénératives, les troubles dys, le plurihandicap ou encore le polyhandicap

Nous vous invitons chaudement à consulter l’article détaillé et éclairant du CCAH lié un peu plus haut afin d’en savoir plus.

Pourquoi tenir compte des handicaps dans le numérique avec le design inclusif ?

Une obligation légale pour les acteurs publics

Saviez-vous que les sites des services publics et institutionnels européens mais également canadiens par exemple avaient l’obligation légale d’être accessibles ?

En France, la loi sur l’accessibilité oblige ainsi certains services de communication en ligne à se conformer aux exigences légales en matière d’accessibilité. C’est le cas par exemple des :

  • Personnes morales de droit public,
  • Personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public,
  • Personnes morales de droit privé constituées par une ou plusieurs des personnes mentionnées dans les deux premiers points,
  • Entreprises au chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros.

Les entités concernées doivent ainsi s’assurer que leurs contenus sont :

  • Perceptibles : facilitant la lecture ou l’écoute d’un contenu (exemple classique : le texte alternatif d’une image),
  • Utilisables : avec une navigation claire, des fonctionnalités accessibles au clavier, un affichage des informations non chronométré…,
  • Robustes : compatibles avec les outils d’assistance.

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Au-delà de l’accessibilité numérique

Partir de ses propres capacités et biais pour concevoir des services, des produits ou des expériences, c’est exclure de facto une partie de la population en fonction de son genre, de son âge, de sa classe sociale, de sa langue, de ses connaissances technologiques ou encore de sa motricité.

Il y a donc non seulement urgence à faire du web un espace accessible pour les personnes concernées par le handicap mais aussi, et plus globalement, pour toutes les personnes qui ne nous ressemblent pas.

Alors que la sociologie des développeurs nord-américains a déjà fait couler beaucoup d’encre, l’inclusivité du web se présente comme l’un des enjeux majeurs du numérique pour la décennie.

Penser un design de façon inclusive, c’est reconnaître qu’il existe des handicaps temporaires qui nous affectent toutes et tous : lorsque l’on porte un plâtre, que l’on souhaite commander un repas à l’étranger ou encore passer un appel dans un lieu bruyant.

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source : microsoft handicap inclusive design

Un excellent exemple de design inclusif est la fonctionnalité vidéo de l’application mobile de Facebook.

C’est en étudiant le comportement de tous les utilisateurs que la firme de Menlo Park a constaté que l’application était majoritairement utilisée dans un contexte public (transports en commun, salle d’attente…).

Pour contourner ce problème d’accessibilité sonore, Facebook a fait le choix de favoriser la lecture sans le son et avec l’activation par défaut des sous-titres des vidéos sur son application.

Le guide de l'Accessibilité Numérique

Découvrir le guide


Pourquoi l’inclusive design est essentiel en 2020

Tim Berners-Lee rêvait d’un Web “au service de toute l’humanité”. Mais les grands acteurs du numérique semblent avoir pris une tout autre voie…

Preuve en est qu’il est toujours nécessaire de rappeler trente ans après pourquoi l’inclusivité est désirable pour les internautes. 

Découvrez également pourquoi investir dans l’accessibilité numérique !

L’inclusive design concerne tout le monde

Penser et créer de façon inclusive peut paraître contraignant et pourtant, les fruits de cette réflexion ne profitent pas qu’aux personnes handicapées.

Saviez-vous que la possibilité d’augmenter les contrastes d’un écran provient initialement d’un besoin des personnes malvoyantes ?

Pareillement, les télécommandes, portes à ouverture automatique ou audiobooks avaient pour but premier d’aider les personnes en situation de handicap dans leur quotidien.

L’inclusive design est une vraie opportunité commerciale

Plus d’un milliard de personnes dans le monde sont concernées par le handicap.

Intégrer le design inclusif dans sa stratégie UX ne peut que rendre vos produits et services accessibles à un plus large public et, par conséquent, avoir une répercussion sur votre chiffre d’affaires.

Et nous mettons notre main à couper que vos clients actuels ne diront pas non à une interface plus simple et plus intuitive.

Le design inclusif stimule la créativité

En théorie, concevoir des sites web ou des applications en intégrant de la contrainte peut apparaître comme un défi complexe à relever pour les développeurs,.

En pratique, cela les conduit le plus souvent à faire preuve de davantage de créativité pour, au final, concevoir de meilleurs produits.

Et comment ne pas mentionner les gains de performance inhérents à l’inclusive design avec des sites et applications à la fois plus rapides et plus clairs ? 

sablier sur sable

Les mythes du design inclusif

Il nous semblait important de “debunker” deux idées reçues qui refont surface dès que l’on parle d’accessibilité. 

L’inclusivité, ça coûte cher

Si rendre un site accessible représente effectivement un coût à un instant T, celui-ci est généralement modeste.

Évoquer le coût, c’est également faire peu de cas des gains sur le long terme (élargissement de la clientèle, augmentation des parts de marché, accroissement de la notoriété…).

L’inclusivité est visuellement ennuyeuse

Probablement l’idée reçue la plus répandue et la plus éloignée de la réalité.

En effet, les web designers et développeurs ont, depuis plusieurs années, tous les outils technologiques en main pour construire des expériences à la fois accessibles et attrayantes.

L’exemple le plus emblématique est probablement celui du site d’une petite entreprise de Cupertino à qui nous promettons un bel avenir.

Les 5 grandes étapes de l’inclusive design

Si vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est que vous avez la volonté de faire bouger les lignes.

Pour vous simplifier la tâche dès aujourd’hui et pour vos projets futurs, voici une règle à garder en tête : développez toujours vos produits en démarrant du particulier pour aller vers le général. Toujours !

Trop de sites ou d’applications très populaires sont encore inaccessibles aux déficients visuels ou aux personnes ne pouvant pas utiliser les fonctions tactiles ou la souris.

C’est pourquoi, s’assurer que son projet fonctionne parfaitement au clavier en premier lieu constitue une excellente pratique. 

Il existe de multiples façons d’optimiser un site afin qu’il soit plus inclusif. Le Home Office Digital au Royaume-Uni a développé des fiches récapitulatives à ce sujet, par profil ou type de handicap, accessibles gratuitement pour vous aider à optimiser votre site dans ce sens.

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Le Home Office Digital au Royaume-Uni livre des do’s & don’ts

source : Newflux

Maintenant que vous maîtrisez la notion de design inclusif sur le bout des doigts, voyons tout de suite comment concevoir un site utilisable et sûr pour tous en cinq grandes étapes

Report :L'expérience en ligne en 2020

L'EXPÉRIENCE EN LIGNE EN 2020 S'adapter aux nouveaux comportements des utilisateurs


Un design adapté aux utilisateurs

Le design est probablement le levier le plus évident et le plus couramment utilisé pour (tenter de) rendre son site ou son application accessibles.

Revenons donc sur les bases de structure, de couleurs et de formes : 

  • L’architecture : le site doit être logiquement structuré en respectant les principes du HTML5 sémantique. Rappelez-vous que la hiérarchisation du texte à l’aide des balises notamment doit permettre à une personne ne lisant que les titres de comprendre le contenu de la page,
  • Les espacements : prévoir un espacement suffisant entre différents éléments cliquables par exemple permet de réduire les risques de fausse manipulation. Et cela vaut aussi bien pour une personne concernée par la maladie de Parkinson que lorsque l’on navigue sur mobile,
  • Les contrastes : cela peut sembler évident mais n’apposez pas du texte gris clair sur un fond blanc et, d’une manière générale, jouez sur les contrastes de façon raisonnée. Vous ne voudriez pas que votre site soit illisible pour vos visiteurs,
  • Les couleurs : veillez à ne pas utiliser côte à côte des couleurs similaires ou difficilement différenciables par les personnes atteintes de daltonisme. De même, n’essayez pas de véhiculer trop de sens par l’intermédiaire des couleurs. Vos efforts seront réduits à néant lors d’une simple consultation d’écran en plein soleil,
  • Les polices : privilégiez les polices classiques et lisibles. Pour régler la question de la taille, offrez la possibilité aux utilisateurs de la paramétrer eux-mêmes,
  • L’affordance : nous en avions déjà parlé dans un précédent guide sur les CTA. L’affordance, ou « capacité d’un objet à suggérer sa propre utilisation » est primordiale pour éviter les hésitations et frustrations. Faites en sorte que les éléments interactifs aient l’air…. interactifs.
page d’inscription à Medium

Medium optimise espaces, polices et couleurs pour une lisibilité maximale

Des formulaires optimisés pour le design inclusif

Nous aurions pu choisir d’intégrer les formulaires à la première étape mais leur conception est encore tellement malmenée qu’ils pourraient faire l’objet d’un article entier (ça par exemple !).

Au-delà de la taille minimum à observer pour les champs et de l’autocomplétion à implémenter, l’information collectée dans le cadre des formulaires doit être questionnée.

C’est d’autant plus vrai lorsque l’on souhaite obtenir des informations sensibles telles que le nom, le sexe, le numéro de téléphone ou encore l’âge.

À ce stade, la responsabilité de l’UX Designer est de statuer sur la légitimité des questions posées, sur la façon de les poser et sur les propositions que les utilisateurs pourront sélectionner pour répondre.

L’exemple du sexe est éloquent. Lorsque vous souhaitez obtenir cette information, voulez-vous connaître le sexe ou le genre de la personne ? Ou peut-être même autre chose ? 

Exemple de formulaire expliquant l'objectif de la collecte d'information

Ce formulaire indique clairement l’usage fait du numéro de téléphone

Le contenu inclusif

Seriez-vous arrivé jusqu’ici si cet article était constitué d’un bloc sans illustrations ? 

Nous avons déjà eu l’occasion de parler d’UX Writing en profondeur mais voici quelques bonnes pratiques essentielles de tout contenu inclusif : 

  • La mise en page : elle doit être aérée et tenir compte des conventions. Ainsi, on évitera l’usage excessif de l’italique ainsi que le soulignage qui se réfère généralement aux liens hypertextes. On abusera par contre des listes numérotées et à puces (vous nous voyez),
  • Les textes alternatifs des images : aussi connus sous le nom d’attributs ALT, ils permettent de décrire une image par le texte. Ce texte est particulièrement pratique pour les personnes ayant recours à des assistants vocaux ou lorsque l’on charge des images lourdes avec une connexion limitée,
  • Le langage : rendre l’information accessible à tous, c’est aussi utiliser des mots simples dans des phrases courtes. Des tournures complexes vous coupent de personnes ne maîtrisant pas votre langue ou présentant des handicaps cognitifs.
article sur l’email marketing par Backlinko

Les guides de Backlinko sont des exemples de mise en page remarquable

Les médias pour illustrer

Qu’il s’agisse de vidéo ou de podcast, les médias constituent d’excellents moyens de communication et d’illustration.

Cependant, nous ne vous apprendrons rien en vous disant que leur format les rend, par essence, excluants pour une partie de la population.

Mais des contournements existent pour lever ces barrières : 

  • Les sous-titres : proposer un sous-titrage de vos vidéos constitue la base de l’accessibilité pour ce média. Vous rendrez service à des millions d’utilisateurs mobiles par la même occasion,
  • Les transcriptions : une ou plusieurs de vos pages web hébergent des vidéos ou des podcasts ? Pensez à proposer une transcription pour permettre aux personnes malvoyantes, malentendantes ou tout simplement à celles et ceux qui n’ont pas de réseau de pouvoir consulter votre contenu. Et c’est bon pour le référencement !

Puisque nous parlons d’audio, attardons-nous un instant sur les assistants vocaux.

Avez-vous remarqué qu’ils proposent par défaut une voix féminine, et ce, dans la plupart des langues ?

Ce n’est bien sûr pas un hasard. Nous évoluons dans une société où les femmes sont perçues comme des assistantes plus dociles, séduisantes et rassurantes que les hommes.

La culture et les idées reçues ont un impact sur l’UX. Et même s’il est difficile de s’en défaire totalement, il est de la responsabilité des UX Designers de choisir de contribuer ou non aux stéréotypes.

transcription vidéo d’un Whiteboard Friday de Moz

En plus de publier une vidéo pédagogique chaque vendredi, Moz.com propose une transcription disponible sous la vidéo.

La cinquième et dernière étape est aussi l’une des plus cruciales puisqu’il s’agit de la navigation.

Votre site aura beau arborer le design le plus moderne et créatif qui soit, une partie de vos efforts sera réduite à néant si des visiteurs ne sont pas en mesure de l’utiliser. 

Nos conseils pour une navigation pensée pour tous : 

  • Le clavier : comme nous l’évoquions plus haut, souciez-vous au plus tôt de rendre votre site entièrement navigable au clavier,
  • La voix : pareillement, votre site doit être accessible aux personnes utilisant uniquement la voix. Gageons par ailleurs que cela donnera à votre expérience utilisateur mobile une longueur d’avance,
  • Les options de contact : bien entendu, ne proposez pas uniquement le téléphone comme moyen de contact au risque de vous couper des personnes muettes, souffrant d’une extinction de voix ou ne maîtrisant pas votre langue,
  • Les repères : signifiez toujours à vos visiteurs les tâches qu’il leur reste à accomplir dans le cas d’un achat, d’un formulaire, d’un test…
  • Les liens : ils constituent la base de la navigation web et doivent, à ce titre, être compréhensibles. Évitez les tournures dénuées de sens telles que “Cliquez ici” et préférez-leur des ancres de lien claires et concises.
homepage-deezer

L’offre de Deezer est claire jusque dans ses call to actions

Penser inclusif, c’est avant tout changer radicalement de perception sur le monde qui nous entoure et mettre ses croyances à l’épreuve.

Mais si vous nous lisez toujours, vous avez probablement déjà fait le plus dur.

Et comme le disent si bien nos amis anglophones : “it is the right thing to do”. 😉 

Le guide de l'Accessibilité Numérique

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